Intervention de Françoise Guyot, trésorière de la section PS Garches Saint-Cloud.

Intervention sur l’éducation par Françoise Guyot.

Réunion du 12 mars 2019

Rappels

Les politiques en matière d’éducation ont besoin de temps, un temps long, pour faire de l’effet.

Suppressions de postes sous la droite dans l’Éducation nationale : 20.000 postes supprimés entre 2002 et 2007, 11.000 en 2008, 13.500 en 2009, 16.000 en 2010 et 2011 et 14.000 en 2012. On arrive à plus de 80.000. Blanquer a été DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire, numéro 2 du ministère) de décembre 2009 à novembre 2012.

Notre système scolaire n’est pas mauvais, il est même très bon pour la moitié des élèves, issus majoritairement des classes moyennes et favorisées. Par contre il est très inégalitaire. 30 % des élèves, majoritairement issus des milieux populaires, sont en difficulté. Il est trop axé sur le tri et la sélection des meilleurs.

Dans la période récente, sous la droite, de 2002 à 2012 : création des internats d’excellence, semaine de 4 jours qui a supprimé une matinée de classe et infligé aux élèves français le plus petit nombre de journées de classe et les journées les plus longues, suppression de la formation des enseignants, les débutants se voyant doter d’un DVD de prise de fonction. Sans compter les attaques constantes contre le « pédagogisme » et le collège unique par ceux qui aimeraient voir les élèves en difficulté orientés dès 14 ans vers l’enseignement professionnel.

Notre système éducatif n’a jamais été organisé pour faire réussir tous les élèves. Mais ses dysfonctionnements sont acceptés par beaucoup de ceux qui en profitent. Exemples : les classes bilangues qui donnent plus de moyens à des élèves déjà favorisés dès le départ, les classes prépas où la dotation par étudiant est très supérieure à celle des facultés, la semaine de 4 jours plébiscitée par les familles qui peuvent partir en week-end.

Le quinquennat Hollande

En juillet 2012 lancement par V. Peillon de la concertation pour la refondation de l’école de la République qui durera plusieurs mois et associera tous les acteurs de l’éducation, les politiques, les associations, etc. La Loi sur la refondation de l’école est promulguée en juillet 2013. Elle décrit les objectifs de la refondation : élever le niveau de connaissances, de compétences et de culture de tous les enfants, réduire les inégalités sociales et territoriales, réduire le nombre de sorties sans qualification.

Création de 60.000 postes (utilisés pour le rétablissement de l’année de stage, l’amélioration des remplacements, l’augmentation du nombre d’élèves), rétablissement de la formation des enseignants avec la création des ESPE et l’année de stage durant laquelle l’enseignant n’est qu’à mi-temps devant les élèves, montée en charge du dispositif « plus de maitres que de classes » avec ajout d’enseignants surnuméraires dans les écoles des zones d’éducation prioritaire, retour à la semaine de 4 jours et demi, qui a occupé le devant de la scène, avec la mise en place d’un fonds pour aider les communes, réforme des cycles qui permettent d’assurer la progressivité des apprentissages en organisant les acquisitions sur des temps plus longs que celui de l’année scolaire, mise en place du conseil supérieur des programmes, le CSP, garantie de transparence et d’indépendance notamment vis-à-vis du politique, création d’un Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, mise en place de nouveaux programmes : maternelle en 2015, élémentaire et collège en 2016. La mobilisation contre le décrochage scolaire a payé, le nombre de sorties sans qualifications passant de 140.000 à 100.000.

Et puis il y a eu la réforme du collège qui a fait couler beaucoup d’encre et rencontré une forte opposition : création de l’accompagnement personnalisé, des EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires, de la seconde langue vivante pour tous à partir de la 5ème et suppression des classes bilangues (sauf si l’allemand est enseigné dans une ou plusieurs des écoles primaires dépendant du collège), refonte du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

En juillet 2015, le secrétaire général de l’OCDE adressait ses encouragements à Najat Vallaud-Belkacem, énumérant les dispositions de la reforme du collège : la volonté de réduire les disciplines profitant à une minorité (en référence à la suppression des classes bilangues), le souci d’encourager le travail en équipe (avec les enseignements interdisciplinaires) et le suivi personnalisé « dont tous les élèves ont besoin ». Il demandait à la France « d’aller plus loin dans la réforme » et la mise en place de « mesures indispensables pour la réussite de tous ».

Tout n’a pas été parfait et beaucoup de choses restaient à faire ou à améliorer mais on était dans une démarche de réorganisation de l’ensemble du système éducatif avec le souci de l’intérêt général pour lutter contre les inégalités. Cette réorganisation avait besoin de temps pour qu’il soit possible d’en évaluer les résultats.

Depuis mai 2017

J.M. Blanquer, dès son arrivé au gouvernement, a dit ne pas vouloir faire de nouvelle loi. Il a commencé à détricoter les réformes engagées par la gauche sans les évaluer, lui qui ne jure que par l’évaluation, et sans leur donner le temps de faire de l’effet.

La réforme du collège supposait de profonds bouleversements dans l’organisation et les pratiques pédagogiques, elle demandait un fort investissement des équipes. Dans la plupart des établissements ce travail était commencé. Mais Blanquer a laissé au terrain la responsabilité de déconstruire la réforme, avant même de lui laisser le temps de la digérer. Il a rendu facultatifs l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires. Il a rendu possible le rétablissement des parcours bilangues. Il se targue de s’appuyer sur les résultats des sciences cognitives mais en même temps il permet le retour à la semaine de 4 jours que tous les chronobiologistes dénoncent comme néfaste pour les apprentissages.

Il fait tout ceci tout seul sans concertation. Les programmes de 2016 avaient été élaborés après 2 ans de consultation d’une centaine de personnes. Les précédents dans le primaire dataient de 2008 et avaient suscité pas mal de critiques. Il faut attendre plusieurs années pour apprécier les effets de nouveaux programmes. La gauche ne les avait pas modifiés de suite mais les évaluations PISA n’ont pas été bonnes.

Blanquer n’a pas laissé à ceux de 2016 le temps nécessaire, il les a modifiés assez profondément à l’été 2018. Il a une vision archaïque de l’enseignement en primaire mais cette vision passe très bien dans l’opinion publique où l’on considère que tout était mieux avant : méthode syllabique de l’apprentissage de la lecture qui ne permet pas de travailler la compréhension des textes (à la fin des années 60, les premières statistiques furent sans appel : un appelé du contingent sur deux était incapable de comprendre un article de presse très simple), apprentissage des 4 opérations dès le CP, fin de la logique de cycle avec une vision mécanique des savoirs fondamentaux dont il faudrait assurer la maitrise pour tous aux mêmes échéances imposées. Ces révisions ont été faites sans concertation et dans la précipitation, les injonctions viennent d’en-haut, les enseignants n’ont plus qu’à appliquer des méthodes standardisées. Leur capacité à faire réussir tous les élèves en innovant, en expérimentant de nouvelles pratiques pédagogiques, en travaillant avec les partenaires de l’école est niée. Le ministre est même allé jusqu’à soutenir une méthode de lecture développée par une association dont il est proche, Agir pour l’école, méthode qui a été très sévèrement critiquée par l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. C’est l’expression d’un grand mépris !

Le dédoublement des classes de CP et CE1, s’il donne des résultats évidents pour les élèves qui en bénéficient, a abouti à la suppression du dispositif « plus de maitres que de classes », pourtant plébiscité par les enseignants. Il ne s’est pas accompagné de toutes les créations de poste nécessaires, ce sont les moyens de remplacement qui sont mis à contribution et les autres classes qui ont vu leur effectif augmenter.

Enfin le CSP et le CNESCO ont été fortement repris en main par le ministère.

La réforme du lycée et du bac

La gauche n’avait pas entamé de réforme du lycée, la précédente datait de 2010 et les chantiers étaient déjà nombreux. La réforme actuelle se donnait plusieurs objectifs : supprimer les filières et mieux accompagner les élèves dans l’élaboration de leur projet d’orientation post bac, simplifier le bac et introduire une part de contrôle continu.

En seconde, un tronc commun et des enseignements optionnels.

Pour la voie générale :

  • en première, des enseignements communs avec désormais un enseignement scientifique pour tous, 3 enseignements de spécialité, choisis par les élèves parmi 11 et des enseignements optionnels
  • en terminale, idem mais avec seulement 2 enseignements de spécialité, choisis parmi les 3 suivis en classe de première

La voie technologique conserve ses séries, les élèves y suivent des enseignements communs, 3 enseignements de spécialité imposés par la série, avec parfois un enseignement spécifique en lien avec les enseignements de spécialité de la série, des enseignements optionnels.

La voie professionnelle n’est pas concernée par la réforme.

Pour plus de détails sur l’organisation, les spécialités et les horaires du cycle terminal, consulter ce diaporama sur Eduscol, le site de ressources à destination des professionnels de l’education.

En théorie il ne doit pas y avoir de combinaisons de spécialité imposées. En seconde les élèves choisissent 3 spécialités + 1 et au final si une des 3 est impossible ils auront leur 4ème choix. La question essentielle c’est la cartographie des spécialités. Si un élève souhaite une spécialité non proposée dans son lycée de secteur, il n’est pas sûr qu’il obtienne une dérogation pour un autre lycée qui la proposerait.

La réforme a été construite à marche forcée et sera imposée sans véritable dialogue social aux personnels et aux élèves. Elle est de plus mise en place alors que des suppressions de poste dans les lycées les mettent en tension et vont obliger à limiter encore un peu plus les dédoublements. Le temps nécessaire à l’accompagnement des élèves dans leurs choix d’orientation risque d’être réduit alors que c’est une nécessité compte tenu de la complexité de ces choix.

Les programmes ont été élaborés à l’automne dans la précipitation. Ils sont très lourds, très élitistes et vont contribuer à mettre en difficulté les élèves fragiles, ils vont imposer aux enseignants de limiter les activités pour faire du cours magistral afin de boucler le programme. En CSE (conseil supérieur de l’éducation, instance consultative) le vote a été unanimement contre. Seuls les programmes de première sont connus, ceux de terminale ne le sont pas donc les élèves doivent faire des choix de spécialité sans connaitre les programmes et s’ils sont en accord avec les attendus de ParcourSup.

Cette réforme nécessite de former les enseignants. La formation se met en place de manière précipitée, entrainant l’annulation de stages sur d’autres thématiques.

Dernièrement des inspecteurs ont recommandé aux enseignants de seconde de traiter par anticipation certaines parties du nouveau programme de seconde d’enseignement scientifique car sinon il manquera aux élèves des bases pour aborder le programme de première l’an prochain.

La réforme place les familles, les élèves et les enseignants dans l’angoisse. Le Sgen-CFDT a demandé le report d’un an mais sans être écouté.

La loi pour l’École de la confiance

En devenant ministre, Blanquer avait dit qu’il ne ferait pas de nouvelle loi. Mais il a eu besoin d’en faire une pour mettre en place l’obligation de la scolarité à partir de 3 ans. 2,5 % d’enfants de 3 à 6 ans sont aujourd’hui à l’écart de l’instruction. Parmi eux il y a encore des enfants en situation de handicap qui ne sont pas accueillis à l’école. Et de fortes disparités territoriales, ce sont essentiellement des enfants des collectivités d’outre-mer qui constituent ces 2,5 %, notamment en Guyane et à Mayotte, territoires où les populations défavorisées sont plus importantes qu’en métropole. Il y faudra des mesures d’accompagnement.

Les conséquences de cette loi vont aussi être financières pour les communes qui ne finançaient pas les maternelles dans le privé. La subvention aux écoles privées s’élèvera à plus de 300.000 euros à Garches en 2019.

Pour une analyse globale de la loi, des conditions dans lesquelles s’est déroulé le débat à l’assemblée, les surenchères de certains, le degré d’impréparation du texte, mais aussi les apports intéressants qu’elle contient, consulter cet éditorial sur le site du Sgen-CFDT.

Françoise Guyot Trésorière de la section PS de Saint-Cloud Garches

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